Depuis les premiers temps de l'Histoire, à travers l'Age de la Pierre, l'Age du Bronze et l'Age du Fer, le développement des matériaux a régulièrement repoussé les limites des aspirations et des réalisations de l'Homme. Au 21ème siècle, les besoins d'industries telles que l'aéronautique et l'automobile continuent à pousser les propriétés des matériaux toujours plus loin.
Le désir de rendre possible de que l'on souhaiterait avoir fait partie de la nature humaine. L'industrie automobile en est un exemple parfait. Quand Ford a publié la liste des matériaux que l'on souhaiterait voir, à l'avenir, dans les véhicules, les matériaux susceptibles d'améliorer la sécurité des usagers y figuraient en bonne place. Le professeur Pim van der Jagt, directeur technique exécutif des services de recherche et d'ingénierie avancée chez Ford, mentionne des matériaux tels que de nouveaux types d'aciers trois fois plus résistants que les aciers actuels, des mousses plastiques capables de stabiliser les structures en cas d'accident et des composites à nanoéléments avec un poids radicalement plus léger dotés d'une résistance accrue.(Source : http://articles.sae.org/12297/)
L'industrie aéronautique moderne s'intéresse à des matériaux plus tenaces, légers et résistants à la chaleur qui permettraient de réduire les émissions, d'économiser le carburant et d'augmenter les vitesses. Les matériaux composites sont de plus en plus utilisés dans l'aéronautique. Selon le Dr. Eleanor Merson, spécialiste en recherche sur les composites, « les avions comportaient seulement cinq à six pour cent de matériaux composites il y a trente ans ; les avions commerciaux d'aujourd'hui comme le Dreamliner en comportent environ 50%. »
Bien que cinq fois plus légers que l'acier, les composites à la fibre de carbone sont plus résistants. Le Dreamliner, par exemple, utilise des composites à la fibre de carbone dans ses ailes, sa queue, ses portes, son fuselage et son intérieur afin de réduire son poids. En matière d'avions, chaque kilogramme compte. Les experts estiment que chaque kilogramme gagné peut réduire le coût d'exploitation de 2000 à 3000 euros par an.

Une Lamborghini bourrée de composites
Les matériaux composites sont de plus en plus utilisés dans les voitures, les pales d'éoliennes et toutes sortes d'autres produits. La voiture électrique BMW i3 est principalement faite de composites. Selon BMW, le gain de poids autorise une autonomie de 160 kilomètres. La Veneno Roadster au look agressif de Lamborghini est bourrée de pièces en composites légères grâce auxquelles le 0-100 km/h est atteint en 2,9 secondes. La production des composites est aujourd'hui moins onéreuse et il y a plus de fabricants, mais les composites de qualité supérieure nécessitent toujours des températures élevées, des environnements très propres et des procédés gourmands en main d'œuvre. Et l'usinage de tels matériaux est un véritable défi.
« L'usinage des composites, et en particulier le perçage, est très difficile », affirme Merson qui fait de la recherche sur les composites chez Sandvik Coromant. « Les pièces d'avions comportent des dizaines de milliers de trous et le matériau est très abrasif ; la fibre de carbone use les forets très vite. »
Il est probable que les matériaux composites du futur seront renforcés par des fibres produites à l'échelle nanométrique. On pense aussi que la science parviendra à créer des solutions proches de la perfection en travaillant au niveau atomique. Selon les spécialistes de la société chimique allemande Altana AG, il est possible de produire des nanotubes de carbone 400 fois plus résistants que l'acier et l'aluminium et 20 fois plus résistants que la fibre de carbone conventionnelle.
Le graphène dans les Smartphones
De nouveaux matériaux comme le graphène et les quasicristaux dont les inventeurs ont reçu le Prix Nobel sont encore plus prometteurs en termes de résistance et pourraient bouleverser en profondeur le design industriel. Mais les applications industrielles à grande échelle n'apparaîtront pas avant longtemps.
L'année dernière, une société chinoise a incorporé des grains de graphène dans des téléphones mobiles pour améliorer la conductivité. Des pétales de quasicristaux ont déjà pu être moulés pour en faire des poêles à frire et des instruments chirurgicaux dotés d'une longévité accrue. Même si l'on n'entrevoit pas de percée industrielle pour l'instant, des investissements très importants sont faits dans la recherche sur le graphène. Le graphène est 200 fois plus résistant que l'acier et c'est le matériau le plus fin sur terre (un million de fois plus fin qu'un cheveu humain). Dans le même temps, des chercheurs appartenant à des sociétés privées et au secteur académique s'efforcent d'améliorer les techniques et matériaux qui existent déjà.
Des alliages d'aluminium légers remplacent d'ores et déjà l'acier dans des systèmes de pare-chocs et des systèmes antichocs ainsi que pour les barres de protection latérales de véhicules. Dans les moteurs d'avions, des alliages super durs résistants à des températures très élevées peuvent améliorer le rendement et réduire la consommation de carburant.
Des revêtements plus durs que l'acier
Le dépôt physique en phase gazeuse (PVD) et le dépôt chimique en phase gazeuse (CVD) sont des procédés qui permettent de créer des revêtements très fins mais très durs et résistants à la chaleur sur des objets. Ces techniques sont devenues courantes dans les années 1980 et elles sont encore utilisées sur des pièces mécaniques, optiques et électroniques.
Sandvik Coromant les utilise pour renforcer la surface de ses plaquettes de coupe. Ces plaquettes sont faites de carbure de tungstène cémenté avec du cobalt comme liant.
« L'ajout d'un revêtement PVD de 10 microns d'épaisseur multiplie la durée de vie des plaquettes par 100 », indique le Dr. Mats Ahlgren, expert en physique des matériaux et directeur du service PVD chez Sandvik Coromant. « Pour les clients, cela signifie que les plaquettes durent plus longtemps, mais aussi qu'ils peuvent augmenter leur productivité en appliquant des vitesses de coupe et des avances plus élevées. »
Les recherches actuelles visent à rendre le revêtement encore plus tenace pour répondre à la demande en matériaux plus durables.
« Ces dernières années, nous avons amélioré les procédés de revêtement », explique Ahlgren. « Nous pouvons étudier les structures au microscope au niveau atomique et cela nous permet d'analyser les nouvelles solutions avant de les diffuser. »
En 2013, Sandvik Coromant a breveté son revêtement CVD Inveio™. Inveio permet d'orienter les cristaux dans une seule et même direction, ce qui rend les revêtements beaucoup plus durables et durs.
Grâce aux matériaux plus résistants, il n'est plus nécessaire d'utiliser autant de pièces lourdes et volumineuses dans les structures. Les concepteurs de voitures et d'avions deviennent plus sélectifs dans le choix des matériaux des différentes pièces. Certaines pièces des machines n'ont pas besoin d'une aussi grande résistance. C'est la philosophie utilisée par Ian Scoley, ancien directeur du design industriel chez Airbus et responsable de la conception des cabines. Maintenant directeur du design industriel chez C&D Zodiac, Scoley s'inspire des os des oiseaux. « Ils sont résistants là où c'est nécessaire, mais plus légers et aérés dans les parties qui doivent être plus flexibles. »

Le génie du recyclage
Les avions et les véhicules deviennent moins gourmands en énergie et produisent moins d'émissions grâce à de nouveaux matériaux et à des efforts de conception, et le recyclage devient une donnée incontournable. Beaucoup des matériaux composites sont faits avec des liants adhésifs qui sont difficiles à séparer et à réutiliser, mais, dans l'industrie automobile, de nouveaux alliages d'aluminium sont créés spécialement avec le recyclage à l'esprit.
Le recyclage est devenu un souci majeur dans l'industrie automobile. Les gouvernements européens imposent désormais un objectif de 85% de recyclage des matériaux des voitures. « Les constructeurs automobiles étudient chaque pièce dans l'idée de cet objectif », indique Arjen Bongard, un analyste de l'industrie automobile basé en Allemagne.
L'impératif du recyclage motive la création de solutions innovantes. Ford a commencé à utiliser de la paille et du soja dans la conception des intérieurs et mène des recherches pour utiliser des enveloppes de noix de coco, des carottes et du maïs afin de fabriquer des matières plastiques. La vision du fabricant américain est de produire des intérieurs 100% biodégradables.
« La recherche de matériaux alternatifs est une piste importante, tout comme la création de solutions de remplacement et de procédés de recyclage rentables », dit le Dr. Anna Hultin Stigenberg, le principal expert en R&D chez Sandvik Coromant. Stigenberg était jusqu'à récemment président du comité directeur international de la Communauté de la Connaissance et de l'Innovation pour les matières premières, une initiative rassemblant plus de 100 sociétés et instituts de recherche visant à promouvoir le développement durable dans le domaine des matériaux.
Au niveau atomique
Pourquoi s'en tenir aux matériaux existants ? L'humanité est devenue capable de créer des matériaux entièrement nouveaux dotés de propriétés spécifiques.
« Nous parvenons de mieux en mieux à développer de nouveaux matériaux au niveau atomique grâce aux microscopes modernes et à la puissance de calcul des ordinateurs », explique Hultin Stigenberg.
Depuis la fin de l'Age du Fer, 550 ans environ avant notre ère, l'histoire de l'humanité n'est plus caractérisée par un matériau particulier. Pour beaucoup d'universitaires, nous vivons l'Age du Plastique, mais dans un futur plus ou moins proche notre époque pourrait bien être rebaptisée l'Age des Nouveaux Matériaux et les conséquences sur le développement de l'humanité pourraient être beaucoup plus importantes que ce que l'on imagine actuellement.